Décret modifiant le Décret sur les passeports canadiens : TR/2018-31

La Gazette du Canada, Partie II : volume 152, numéro 8

Enregistrement

Le 18 avril 2018

LOI SUR LA CITOYENNETÉ

C.P. 2018-346 Le 26 mars 2018

Sur recommandation du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Décret modifiant le Décret sur les passeports canadiens, ci-après.

Décret modifiant le Décret sur les passeports canadiens

1 Le Décret sur les passeports canadiens référence1 est modifié par adjonction, après l’article 2, de ce qui suit :

2.1 Pour l’application du présent décret, est assimilée à un acte criminel l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité soit par mise en accusation, soit par procédure sommaire, indépendamment du mode de poursuite effectivement retenu.

2 Le même décret est modifié par adjonction, après l’article 7, de ce qui suit :

7.1 Malgré les paragraphes 7(2) à (4), le ministre peut délivrer un passeport à un enfant âgé de moins de seize ans, sans qu’aucune demande n’ait été présentée à cet effet par l’un des requérants visés aux alinéas 7(1)a) à c), s’il a des motifs raisonnables de croire que cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

3 L’article 9 du même décret est modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :

(3) Sans que soit limitée la généralité des paragraphes 4(3) et (4), il est entendu que le ministre peut refuser de délivrer un passeport à un enfant âgé de moins de seize ans s’il a des motifs raisonnables de croire que cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

(4) Sans que soit limitée la généralité des paragraphes 4(3) et (4), il est entendu que le ministre peut refuser de délivrer un passeport à une personne s’il a des motifs raisonnables de croire qu’elle a facilité l’utilisation d’un passeport par une personne autre que son titulaire.

4 Le paragraphe 11.1(1) du même décret est remplacé par ce qui suit :

11.1 (1) Sans que soit limitée la généralité des paragraphes 4(3) et (4), il est entendu que le ministre peut annuler un passeport s’il a des motifs raisonnables :

5 Le paragraphe 11.3(1) du même décret est remplacé par ce qui suit :

11.3 (1) Dans le cas où un passeport est annulé en vertu de l’article 11.1, les personnes ci-après peuvent, dans les trente jours suivant la date à laquelle elles prennent connaissance de l’annulation, demander par écrit au ministre ou au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, selon le cas, de reconsidérer l’annulation :

6 Le présent décret entre en vigueur à la date de son enregistrement.

NOTE EXPLICATIVE

(Cette note ne fait pas partie du Décret.)

Proposition

Le présent Décret modifiant le Décret sur les passeports canadiens vient modifier le Décret sur les passeports canadiens (ci-après, le Décret) afin d’accorder au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté de nouveaux pouvoirs qui permettront de mieux protéger les enfants et de préciser et renforcer les pouvoirs déjà en place concernant les refus de délivrance de passeports et la révocation des passeports délivrés.

Objectif

Les modifications répondent aux préoccupations soulevées par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne qui considère que le Décret n’en fait pas assez pour assurer la protection des enfants. Ces modifications permettront également de combler des lacunes au niveau de l’intégrité du programme. En effet, certaines décisions des tribunaux sont venues limiter la capacité de refuser la délivrance de passeports ou de révoquer des passeports délivrés en cas d’infractions liées aux passeports, y compris la fraude d’identité, la fabrication de faux documents et le recours à de fausses déclarations.

Contexte

Le gouvernement du Canada s’est engagé à protéger les enfants et à préserver l’intégrité des passeports canadiens en faisant en sorte que les passeports ne soient utilisés que par leurs titulaires légitimes.

Répercussions

Général

Les modifications au Décret ciblent deux aspects :

1) Accroître la protection des enfants

Dans certaines circonstances, on agit dans l’intérêt supérieur de l’enfant canadien en lui accordant un passeport même si ses parents ou ses tuteurs s’y opposent ou ne sont pas en mesure d’en faire la demande (par exemple si l’enfant doit voyager pour se soustraire à de mauvais traitements, à la négligence ou à l’exploitation et que les parents sont complices ou ne sont pas disponibles). Une disposition autorisant, lorsque le ministre a des motifs raisonnables de croire que cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant, la délivrance d’un passeport en l’absence d’une demande de la part d’un de ses parents ou de son tuteur a été ajoutée. Lorsqu’il prend des décisions concernant l’intérêt supérieur de l’enfant, le ministère travaille étroitement avec ses partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux au Canada et à l’étranger et tient compte de la sécurité de l’enfant sur les plans physique, psychologique, culturel et émotionnel et de son bien-être.

Il y a des situations dans lesquelles on doit refuser la délivrance d’un passeport ou annuler ou révoquer un passeport délivré afin d’empêcher la tenue d’un voyage lorsque cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant (par exemple lorsqu’une alerte AMBER est lancée en cas d’enlèvement d’enfant). Une disposition autorisant, lorsque le ministre a des motifs raisonnables de croire que cela est dans l’intérêt supérieur de l’enfant, le refus de la délivrance du passeport pour un enfant ou l’annulation ou la révocation du passeport qui lui a été délivré a été ajoutée.

2) Préciser et accroître les pouvoirs de refus et de révocation

Le Décret autorise le refus de délivrance du passeport ou la révocation du passeport délivré dans les cas où les détenteurs en font une utilisation inappropriée en laissant quelqu’un d’autre utiliser le passeport délivré à leur nom. Par contre, rien dans le Décret antérieur n’autorisait le refus de délivrance ou la révocation d’un passeport délivré dans le cas où une personne faciliterait l’utilisation inappropriée du passeport d’autrui (par exemple lorsqu’un parent permet à quelqu’un d’utiliser le passeport de son enfant). Une disposition autorisant le refus de délivrance du passeport ou la révocation du passeport délivré dans les cas où une personne facilite l’utilisation inappropriée du passeport d’autrui par une tierce personne a été ajoutée.

Le droit pénal au Canada prévoit deux types d’infractions : les infractions punissables par mise en accusation et les infractions punissables par procédure sommaire. Les premières constituent des infractions plus graves et sont passibles de peines plus sévères. Pour certaines infractions, qu’on appelle infractions mixtes, la Couronne peut décider de procéder par voie de mise en accusation ou par procédure sommaire. Le Décret autorise le refus de la délivrance du passeport ou la révocation du passeport des personnes qui sont accusées d’une infraction punissable par mise en accusation. Beaucoup d’infractions concernant les passeports sont des infractions mixtes (par exemple faire de fausses déclarations dans une demande de passeport). Par contre, rien dans le Décret antérieur ne conférait le pouvoir de refuser la délivrance d’un passeport ou de révoquer le passeport d’une personne accusée d’une infraction mixte dans le cas où la Couronne a décidé de procéder par procédure sommaire. Une disposition précisant le pouvoir de refus de délivrance du passeport ou de révocation du passeport délivré dans le cas d’infractions mixtes a été ajoutée.

Mesures d’atténuation

Priver une personne de l’accès à un passeport constitue une entrave au droit d’entrer, de séjourner et de quitter le Canada et, par conséquent, doit être justifié conformément à l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés. Compte tenu de cela, dans toute situation où un passeport a été refusé ou révoqué, les mesures d’atténuation suivantes ont été mises en place :

Analyse comparative entre les sexes+

Renforcement de la protection des enfants

Les enfants sont plus vulnérables que les adultes, car ils pourraient, dans certaines circonstances, ne pas disposer des moyens ou recours nécessaires pour échapper à l’abus, aux mauvais traitements ou à l’abandon. L’un des recours qui pourrait faire défaut aux enfants dans ce genre de situation est le passeport, puisque pour les enfants de moins de seize ans, la demande de passeport doit être présentée par leurs parents ou tuteur en leur nom. C’est pour cette raison que des mesures de protection supplémentaires s’imposent. Bien que les enfants des deux sexes soient vulnérables à l’abus, aux mauvais traitements et à l’abandon, un examen de cas antérieurs relatifs aux passeports démontre que les filles sont plus souvent victimes de mauvais traitements. Par exemple, elles font plus souvent l’objet de mariages forcés ou de mariages précoces arrangés dans lesquels cas le retour au Canada à partir des régions où ces pratiques sont tolérées requiert l’aide des services consulaires.

Chaque année, environ 900 000 passeports sont délivrés à des enfants de moins de 16 ans et ce, dans la majorité des cas, en réponse à des demandes ne soulevant aucune préoccupation. Toutefois, un petit nombre de ces demandes sont considérées comme étant complexes, parmi lesquelles le ministère n’anticipe que très peu de cas où un passeport sera délivré sans l’intervention d’un parent ou d’un tuteur, et ce dans l’intérêt supérieur de l’enfant. De même, on prévoit très peu de cas de refus de délivrance de passeports ou de révocation ou annulation de passeports délivrés afin, dans l’intérêt d’un enfant, de l’empêcher de voyager.

Préciser et renforcer les autorités de refuser et de révoquer

Il n’y a aucune donnée sur les cas d’utilisation inappropriée de passeport, soit en facilitant l’utilisation d’un passeport par une personne autre que son titulaire. Il est donc impossible de savoir si des personnes d’un groupe ou d’un genre en particulier font une utilisation inappropriée de passeports plus fréquemment que d’autres personnes, et si elles seraient davantage touchées par la nouvelle autorité. Dans le cas d’un refus de délivrance d’un passeport ou de la révocation d’un passeport délivré à une personne accusée d’une infraction mixte, l’autorité s’appliquera à un nombre restreint d’infractions présentant un intérêt au programme. Par conséquent, très peu de personnes seront touchées par la modification. Des statistiques montrent qu’entre 1998 et 2015, les hommes constituaient 70 % des adultes accusés d’une infraction criminelle. On observe la même tendance pour les infractions mixtes ayant un lien avec les passeports. On peut donc conclure que les hommes seront plus touchés par la nouvelle disposition.

Les modifications protègent la sûreté et la sécurité de tous les Canadiens ainsi que l’intégrité des passeports canadiens, et elles s’appliqueront sans égard au genre ou autre facteur identitaire considéré dans le cadre d’une analyse comparative sur le sexe plus.

Consultations

Les ministères des Affaires mondiales, de la Sécurité publique et de la Justice ainsi que l’Agence des services frontaliers du Canada ont été consultés aux fins du projet réglementaire. De plus, un avis d’intention a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada le 21 octobre 2017 invitant le public à formuler des commentaires sur ce projet au cours des quinze jours suivants. Dans sa réponse à l’avis d’intention, une organisation non gouvernementale a salué la décision du gouvernement du Canada de prendre les moyens d’accroître la protection des enfants et a encouragé ce dernier à prendre des mesures supplémentaires à l’égard des déplacements des délinquants pédosexuels.

Les modifications décrites dans la présente note entrent en vigueur à la date de leur enregistrement.

Personne-ressource du Ministère

Lisa Bokwa
Directrice
Politiques du programme de passeport
Direction générale de l’admissibilité
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
180, rue Kent
Ottawa (Ontario)
K1A 1L1
Téléphone :
613-437-5913