Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie : DORS/2022-65

La Gazette du Canada, Partie II, volume 156, numéro 8

Enregistrement
DORS/2022-65 Le 24 mars 2022

LOI SUR LES MESURES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES

C.P. 2022-257 Le 24 mars 2022

Attendu que la gouverneure en conseil juge que la situation en Birmanie constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales qui entraîne ou est susceptible d’entraîner une grave crise internationale,

À ces causes, sur recommandation de la ministre des Affaires étrangères et en vertu des paragraphes 4(1)référence a, (1.1)référence b, (2) et (3) de la Loi sur les mesures économiques spéciales référence c, Son Excellence la Gouverneure générale en conseil prend le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie, ci-après.

Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie

Modifications

1 Les articles 22 à 30 de la partie 1 de l’annexe du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie référence 1 sont remplacés par ce qui suit :

2 L’article 42 de la partie 1 de l’annexe du même règlement est remplacé par ce qui suit :

3 La partie 1 de l’annexe du même règlement est modifiée par adjonction, après l’article 58, de ce qui suit :

4 La partie 2 de l’annexe du même règlement est modifiée par adjonction, après l’article 73, de ce qui suit :

Antériorité de la prise d’effet

5 Pour l’application de l’alinéa 11(2)a) de la Loi sur les textes réglementaires, le présent règlement prend effet avant sa publication dans la Gazette du Canada.

Entrée en vigueur

6 Le présent règlement entre en vigueur à la date de son enregistrement.

RÉSUMÉ DE L’ÉTUDE D’IMPACT DE LA RÉGLEMENTATION

(Le présent résumé ne fait pas partie du Règlement.)

Enjeux

Le 1er février 2021, sous la direction du général principal Min Aung Hlaing, commandant en chef des Forces armées du Myanmar (Tatmadaw), l’armée du Myanmar a déclenché un coup d’État militaire contre le gouvernement démocratiquement élu de la Ligue nationale pour la démocratie (LND).

Malgré la condamnation de la communauté internationale, les appels répétés à mettre fin à la violence et les efforts de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) pour inciter le régime à participer aux dialogues inclusifs en faveur de la paix, les militaires n’ont pas changé de cap. En fait, la violence s’intensifie, alors que les violations flagrantes des droits de la personne se multiplient.

Des particuliers et des entités agissant pour le compte du régime continuent d’acheter et de fournir des armes et du matériel militaire au Myanmar, contribuant ainsi à perpétuer le conflit armé et à l’usage disproportionné de force contre les civils et à entretenir l’actuelle rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales.

Face à l’escalade de la violence, aux graves violations des droits de la personne, aux conséquences humanitaires pour les plus vulnérables, aux répercussions sur les pays voisins qui accueillent les personnes fuyant la violence et à l’absence de progrès tangibles vers la paix, il convient d’imposer de nouvelles mesures coercitives.

Contexte

À la suite du coup d’État de février 2021, l’armée a emprisonné rapidement les dirigeants politiques de la LND, les écartant ainsi de la scène politique nationale. Il en a fait autant avec des militants pro-démocratie, des représentants de la société civile, des journalistes et des défenseurs des droits de la personne. Cette situation a suscité de la résistance au sein de la population, y compris des manifestations nationales de masse et un mouvement de désobéissance civile, qui ont empêché les militaires de consolider leur pouvoir. L’armée et d’autres forces de sécurité ont réprimé ces manifestations avec une force meurtrière intentionnelle et disproportionnée, dont témoignent largement des vidéos accessibles au public.

Des groupes armés de l’opposition, appelés Forces de défense du peuple (FDP), font de plus en plus usage de violence dans leur lutte contre la Tatmadaw. Parallèlement, les affrontements de longue date entre celle-ci et des organisations ethniques armées se poursuivent. De plus en plus, le gouvernement d’unité nationale évolue vers une opposition armée, cherchant à former une structure de commandement et de contrôle pour coordonner les centaines de groupes de FDP et mettre sur pied ses propres forces armées.

Comme en fait état le rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence au Myanmar, dans son rapport d’août 2021, le régime militaire continue de commettre des actes de violence contre la population civile (arrestations arbitraires, actes de torture et assassinats). En octobre 2021, l’Envoyée spéciale sortante du Secrétaire général des Nations Unies au Myanmar, Christine Schraner Burgener, estimait que le pays était maintenant en proie à une guerre civile. Au cours du dernier trimestre de 2021, le nombre d’atrocités a augmenté considérablement. La Tatmadaw a lancé une importante opération militaire dans le nord-ouest du pays contre les FDP locales et leurs partisans civils, si bien que la population civile de la région a été victime de graves violences. L’armée a incendié environ 600 bâtiments (commerces, habitations et églises) et bombardé des villages, en plus d’attaquer et de tuer de nombreux civils, dont des femmes, des enfants et des travailleurs humanitaires. Depuis, l’armée a poursuivi ses attaques contre les civils, y compris en menant des frappes aériennes dans des zones densément peuplées, sans faire de distinction. Le Canada a réagi par de multiples déclarations communes avec ses alliés pour condamner la violence et prévenir que si personne n’avait à répondre de ces actes, de nouvelles atrocités pourraient être commises.

Depuis le début de janvier 2022, outre la crise humanitaire qui s’aggrave quotidiennement, le bilan des violencesréférence 2 provoquées par le coup d’État était le suivant.

Tableau 1 : Bilan des violences associées au coup d’État du 1er février 2021
Violence associée au coup d’État Nombre de personnes touchées
Civils tués par le régime 1 597
Civils détenus arbitrairement 12 261
Civils détenus arbitrairement à l’heure actuelle 9 478
Militaires tués 9 283
Militaires blessés 2 410
Nombre de personnes déplacées depuis le coup d’État 441 500
Nombre de réfugiés dans les pays voisins 39 000

Un an après le coup d’État de 2021, les violations massives des droits de la personne se poursuivent alors que l’armée réprime de plus en plus violemment la population. L’opposition démocratique, y compris le gouvernement d’unité nationale et les groupes des FDP qui se comptent désormais par centaines dans tout le pays, continue de lutter pour déposer le régime et rétablir la paix et la démocratie. Les forces militaires du régime, qui ont réprimé brutalement les manifestations ayant suivi le coup d’État, sont maintenant déployées contre les civils, dans le but déclaré d’éliminer les soutiens à l’opposition pro-démocratie au sein de la population. Pour y parvenir, les militaires utilisent des armes de guerre pour détruire les infrastructures civiles et tuer des citoyens. Un grand nombre des opérations visant la population constituent des violations graves des droits de la personne et des atteintes au droit international humanitaire et au droit pénal international. La situation représente une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales et une grave crise internationale qui prend de l’ampleur, notamment parce qu’elle s’étend aux pays voisins où se réfugient les personnes qui fuient la violence. L’absence de progrès tangibles vers la paix rend nécessaire que le Canada prenne d’autres mesures coercitives.

Pour que la Tatmadaw puisse perpétrer ces actes, il est indispensable pour le régime de disposer d’armes et de matériel militaire. Les armes fournies au régime alimentent la violence et les atrocités commises dans tout le Myanmar. Au sein de la communauté internationale, peu d’États sont disposés à continuer de vendre et de transférer des armes et du matériel militaire au Myanmar étant donné les risques qui existent quant à leur utilisation. Le régime cherche à camoufler ses acquisitions et compte sur des individus bien placés et les entités commerciales qu’ils contrôlent pour acheter pour son compte et lui livrer des armes et du matériel militaire. Comme l’exige la résolution 75/287 de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Canada a exhorté tous les États membres des Nations Unies à empêcher la vente et le transfert d’armes, de matériel militaire, de matériel à double usage et d’assistance technique au Myanmar. Le Canada a déjà imposé un embargo national sur la vente d’armes et encourage vivement les autres pays à en faire de même pour éviter que des armes et du matériel militaire soient vendus et transférés au régime.

Le coup d’État militaire menace également la paix et la sécurité régionales en favorisant la criminalité organisée, le trafic de drogue et d’autres activités illicites. La Tatmadaw est depuis longtemps complice du trafic de drogue, du bois, des pierres précieuses et du jade au Myanmar, qui attire les groupes criminels organisés et est une source de corruption dans toute la région. En l’absence, au Myanmar, de contrôle ou d’obligation de rendre des comptes, ce trafic, et la corruption qui en découle, atteint de nouveaux sommets.

Cette situation constitue une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales et a entraîné une grave crise internationale qui va en s’accentuant. Face à l’escalade de la violence, aux violations graves des droits de la personne, aux répercussions humanitaires sur les plus vulnérables, aux conséquences pour les pays voisins qui accueillent les personnes fuyant la violence et à l’absence de progrès tangibles vers la paix, il convient de prendre d’autres mesures coercitives.

La réponse du Canada à l’égard de la crise au Myanmar comporte plusieurs volets. Le Canada refuse de légitimer le régime ou de collaborer avec ses responsables gouvernementaux, sauf sur certaines questions dans le cadre de l’ANASE ou lorsque cela est indispensable pour fournir des services essentiels aux populations vulnérables. De même, le Canada plaide pour que la communauté internationale se penche sur la situation, agisse à l’endroit de celle-ci et condamne le régime, en réclamant que ce dernier mette fin à la violence, libère les personnes détenues arbitrairement, engage un dialogue sincère avec l’ANASE et permette un accès humanitaire complet et sans entrave. À cela s’ajoutent quatre séries de sanctions coordonnées avec les alliés du Canada, en plus d’un soutien aux efforts pour amener les responsables de crimes antérieurs et actuels à répondre de leurs actes au moyen des mécanismes de justice internationale. Le Canada apporte aussi une aide humanitaire et met en œuvre des programmes de développement au profit des populations vulnérables et touchées par le conflit. En outre, le Canada met à profit divers cadres bilatéraux et multilatéraux pour continuer d’exercer des pressions et de maintenir l’attention sur la crise, tout en s’efforçant de maintenir ses programmes de développement afin de fournir des soins et des traitements essentiels aux populations vulnérables, y compris en ce qui concerne la COVID-19. Ces pressions soutenues, concertées et coordonnées, conjuguées à des initiatives pour encourager la coopération, ont pour but d’amener le régime à changer de cap et à participer aux efforts de paix internationaux, dans l’objectif de rétablir la paix, la démocratie, la prospérité et la stabilité dans ce pays. Il s’agit aussi de remédier à la rupture sérieuse de la paix internationale que constitue cette situation et à la grave crise internationale qui en résulte. Le Canada est déterminé à coordonner ses efforts et à faire preuve de solidarité avec ses principaux alliés pour mieux atteindre ces objectifs.

Que ce soit par les voies bilatérales ou multilatérales, le Canada continue de participer activement aux efforts diplomatiques déployés pour trouver une solution à la situation au Myanmar.

Depuis 2007, le Canada a maintenu les sanctions imposées contre des particuliers et des entités du Myanmar en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie (le Règlement). Le Règlement interdit aux personnes (particuliers et entités) au Canada et aux Canadiens à l’extérieur du Canada de mener les activités suivantes avec les personnes désignées :

Depuis février 2021, le Canada a appliqué quatre séries de sanctions en coordination avec les États-Unis et le Royaume-Uni. Les sanctions canadiennes visent désormais 73 particuliers et 58 entités, soit un total de 131 personnes désignées.

Objectifs

Description

Le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie ajoute à l’annexe du Règlement le nom de quatre particuliers et de deux entités qui sont liés au régime militaire ou en font partie.

Élaboration de la réglementation

Consultation

Affaires mondiales Canada s’entretient régulièrement avec les intervenants concernés, notamment les organisations de la société civile et les communautés culturelles, ainsi qu’avec d’autres gouvernements aux vues similaires, au sujet de la démarche suivie par le Canada pour appliquer des sanctions.

Concernant ces modifications, il n’aurait pas été judicieux de tenir des consultations publiques, puisque la communication du nom des particuliers et des entités visés par les sanctions aurait probablement entraîné la fuite d’actifs avant l’entrée en vigueur des modifications.

Obligations relatives aux traités modernes et consultation et mobilisation des Autochtones

À la suite de l’évaluation initiale de la portée géographique de l’initiative, aucune obligation découlant de traités modernes n’a été cernée, puisque les modifications ne s’appliquent pas à une zone visée par de tels traités.

Choix de l’instrument

Les règlements constituent l’unique méthode pour promulguer des sanctions au Canada. Aucun autre instrument ne pouvait être envisagé.

Analyse de la réglementation

Avantages et coûts

L’application de sanctions servira à faire pression sur le régime militaire pour qu’il modifie son comportement et à démontrer la volonté du Canada d’imposer des coûts réels à ceux qui tentent d’entraver ou de saper les efforts internationaux visant à résoudre la crise au Myanmar. Cela démontrera en outre que ceux qui soutiennent le régime en subiront les conséquences. Les sanctions communiquent un message clair que le Canada n’acceptera pas que des actions constituant une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales et entraînant une grave crise internationale continuent de se dérouler au Myanmar aux mains de l’armée en toute impunité. Comme les efforts déployés à ce jour n’ont pas convaincu le régime militaire d’accepter la responsabilité de ses actes, des sanctions supplémentaires envoient un message important du Canada pour l’inciter à changer son comportement.

Les banques et les institutions financières canadiennes sont tenues de se conformer aux sanctions. Elles le feront en ajoutant les nouvelles interdictions à leurs systèmes de surveillance existants, ce qui pourrait entraîner un coût de conformité mineur.

Les modifications engendreront des coûts additionnels pour les entreprises devant obtenir un permis afin d’être autorisées à effectuer des activités ou des transactions autrement interdites. Cependant, les coûts seront probablement faibles, car il est peu probable que les entreprises canadiennes fassent des affaires avec les personnes nouvellement désignées.

Lentille des petites entreprises

Comme il est peu probable que les entreprises canadiennes fassent des affaires dans ces secteurs, on ne s’attend pas à ce que les modifications entraînent une perte importante de débouchés pour les petites entreprises. Afin d’aider les petites entreprises à respecter les interdictions, Affaires mondiales Canada a accru ses activités de sensibilisation afin de mieux les informer des changements apportés au Règlement, notamment par la mise à jour du site Web sur les sanctions et la création d’une ligne d’assistance téléphonique sur les sanctions.

De plus, le 9 avril 2021, le Canada a diffusé un avis aux entreprises afin de s’assurer que les entreprises canadiennes, y compris les petites entreprises, sont conscientes des risques accrus sur le plan commercial et pour leur réputation de faire des affaires au Myanmar. L’avis soulignait également les attentes du gouvernement du Canada en matière de pratiques commerciales responsables à l’étranger et recommandait aux entreprises canadiennes d’exercer une diligence raisonnable pour assurer une conduite des affaires responsable, notamment en examinant de près leurs chaînes d’approvisionnement pour déterminer si leurs activités soutiennent les conglomérats militaires ou les sociétés qui leur sont affiliées.

Règle du « un pour un »

La règle du « un pour un » ne s’applique pas aux modifications, car elles n’imposent pas de nouveau fardeau administratif aux entreprises.

Coopération et harmonisation en matière de réglementation

Bien que les modifications ne soient pas liées à un plan de travail ou à un engagement s’inscrivant dans un cadre officiel de coopération en matière de réglementation, elles concordent avec les mesures prises par des partenaires aux vues similaires.

Évaluation environnementale stratégique

Il est peu probable que les modifications entraînent des effets importants sur l’environnement. Conformément à la Directive du Cabinet sur l’évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, une analyse préliminaire a conclu qu’une évaluation environnementale stratégique n’est pas nécessaire.

Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+)

Les modifications visent des personnes bien précises (particuliers et entités) faisant partie de l’armée du Myanmar et des personnes participant à des activités qui ont contribué à la rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales survenue au Myanmar, plutôt que les citoyens du Myanmar dans leur ensemble. Cela permet de minimiser les effets collatéraux sur ceux qui dépendent de ces personnes.

Des exemptions sont prévues dans le Règlement, notamment pour permettre la fourniture d’une aide humanitaire afin d’atténuer quelque peu les répercussions des sanctions sur les groupes vulnérables. La ministre des Affaires étrangères peut également délivrer des permis conformément au Décret concernant l’autorisation, par permis, à procéder à certaines opérations (mesures économiques spéciales – Birmanie). En tant que telles, ces nouvelles sanctions sont susceptibles d’entraîner des répercussions limitées sur les citoyens du Myanmar.

Mise en œuvre, conformité et application, et normes de service

La Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada sont chargées de l’application des règlements relatifs aux sanctions. Conformément à l’article 8 de la Loi sur les mesures économiques spéciales, quiconque contrevient au Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie encourt, sur déclaration de culpabilité, une amende maximale de 25 000 $ et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces deux peines, ou par mise en accusation, un emprisonnement maximal de cinq ans.

Personne-ressource

Graham Dattels
Directeur
Direction de l’Asie du Sud-Est II
Direction générale de l’Asie du Sud-Est, de l’Océanie, de l’APEC et de l’ANASE
Affaires mondiales Canada
125, promenade Sussex
Ottawa (Ontario)
K1A 0G2
Courriel : graham.dattels@international.gc.ca